Premier tête à tête [PV Zahir]

Nous avons quitté la cour pour suivre un chemin de terre à sa sortie. Le domaine se réduisait dernière nous à chaque foulée de plus. Zahir m'avait laissé prendre la tête puisque je connaissais les lieux mieux que lui, il venait seulement d'arriver. Je trottais la tête à mi-hauteur, encolure un peu arquée. Mon allure se fit plus silencieuse en quittant les pavés, et plus légère quand nous quittions le chemin de terre pour une pleine herbeuse.

" Nous allons aller vers les Pins, il y a aussi une clairière. "

J'avais tourné la tête vers lui pour lui parler, et ralentit un peu l'allure pour éviter les blessures. Je regarda rapidement devant moi, quelque fois qu'un trou ou une pierre me barrerait la route. Bientôt, on vit apparaître l'orée de la forêt. De grands pins semblaient vouloir nous barrer la route.

Je jetais un coup d'œil derrière moi. A chaque foulée le centre équestre s'éloignait de nous, à chaque foulée je me rapprochais de la liberté et de l'intimité avec Bella. Reportant mon regard sur elle, je remarquais qu'elle avait pris le petit galop pendant un instant pour reprendre le trot par la suite. Dans l'herbe son allure se faisait souple et sur les chemin de terre elle était silencieuse.

« Nous allons aller vers les Pins, il y a aussi une clairière. »

Acquiesçant en silence, je tournai la tête pour regarder devant moi. Dans les plaines herbées on ne savait jamais à quoi s'attendre et je préférais faire attention.

Bientôt les cimes hautes des pins apparurent devant nous. J'accélérai un peu et tombai dans un petit galop soutenu, tête haute et queue en panache. Je henni doucement et dépassai Bella en la regardant d'un air envieux. Arrivé à la clairière, je m'arrêtai et secouai la tête en attendant qu'elle me rejoigne.

Je pris le galop derrière lui. Je restais un peu en arrière, profitant du "paysage". La forêt était magnifique en cette fin d'après-midi. Les rayons du soleil traversaient les cimes et les branches pour projetaient leur douce lumière sur le sol de feuilles et d'épines. De petits boissons poussaient ici et là. Je regardais où je mettais les sabots pour ne pas glisser sur de la mousse. J'avais moi aussi ma queue panachée. Je jetai régulièrement des regards à Zahir... Il... Hum ! Tais-toi Noche. Je le rejoignis, et perdue dans ma contemplation et mes pensées, je failli lui rentrer dedans. Je releva la tête après avoir freiner des 4 sabots. Ma tête se retrouva près de la sienne, il m'attendait avant que je lui déboule dessus. Je fais un pas en arrière promptement et baisse la tête. Je m'ébroue.

" Désolé "

Elle me rejoignit bientôt, lancée au petit galop, ne regardant pas vraiment où elle allait. Pas vraiment était peu dire en fait... Bella ne regardait pas du tout où elle allait... Elle manqua de me foncer dedans et releva la tête au dernier moment tout en freinant des quatre fers pour ne pas me percuter. Enfin arrêtée elle baissa la tête et recula avant de dire :

« Désolée... »

Je m'approchais d'elle et tendis l'encolure pour lui souffler dans les naseaux. Tout en lui faisant comprendre par les gestes qu'elle ne devait pas s'en vouloir, je murmurai :

« Aucune importance. »

Oups... Est-ce que je n'allais pas un peu trop vite ? Peut-être... Je redressai la tête et la tournai vers la clairière. La brise faisait danser l'herbe et les feuilles d'arbres, apportant à ce magnifique tableau une touche littorale.

« Aucune importance. »

Ca me fit "sourire"... Je ressentais qu'il était dragueur né celui-là. Mais ce n'est pas moi que ça dérangeait, après tout, j'aimais taquiner. Une sensation me rappela à moi... Hum, je ne l'avais jamais aimé celle-ci. Pour la simple et bonne raison, que durant cette période, on se faisait courtiser pour un rien. Les étalons étaient un peu trop collant et les juments trop nerveuses, ça en devenait lourd. Je plaqua ma queue pour limiter l'odeur qui venait nous chatouiller les naseaux.
Je tourne alors la tête à mon tour vers la clairière. Le vent parcourait l'étendue herbeuse pour se perdre à travers les arbres. Il souffle, emportant ma crinière et celle de Zahir à contre sens de notre encolure. Mon toupet se repose sur mon oeil droit quand la bourrasque s'arrête. J'attrape une touffe d'herbe puis me met en marche vers le centre de la clairière, ici les fleurs poussent couleur d'argent.

Une odeur agréable pénétra dans mes naseaux. Je tournai la tête vers Noche qui plaqua vivement sa queue contre sa croupe. Mais cette odeur restait en moi et elle me donnait envie de... Non rien... Je détournai la tête vers la clairière et humai l'air en fermant les yeux. Je me ravisai bien vite car cette odeur agréable flottait toujours et je ne voulais pas me laisser tenter. Je fis un signe de tête à la belle jument noire qui m'accompagnait et accompagnait le tout d'un clin d‘œil avant de murmurer :

« On y va ? »

« On y va ? »

Zahir se comportait bien. Il avait plutôt intérêt à vrai dire... Je m'avança à sa hauteur au pas avant de le dépasser tranquillement. Je ne me rendais pas vraiment que je le tentais encore plus, ou alors mon côté "démone" m'empêchait de m'en rendre compte. Je pris le trot, effleurant le sol meuble de la clairière. Le vent s'engouffrait dans l'étendue et se heurta à mon corps en mouvement qui n'en ressentait que de légères chatouilles. Je regarde derrière moi si l'étalon me suit, ce qu'en fin de compte je ne doute pas. Les bruits de ses sabots me suit. Je lance un joyeux coup de cul, faisant bien sûr attention de ne pas envoyer mes sabots vers Zahir. Je secoue vivement ma tête et hennit doucement, l'air frais me revigore. Je fais un bond avant et enchaîne dans un galop ample. Je prends mes marques sur le terrain pour arriver rapidement à un galop des plus réguliers, allongeant alors mes foulées. Je lève la tête, appréciant la fraîcheur de l'air sur celle-ci.

Ma politesse habituelle m'obligeait à me tenir correctement. Bella était une jument qui respirait la joie de vivre et je lui devais le respect qu'elle méritait. Elle passa au pas, me dépassant avec un petit regard - charmeur ? - en coin. Elle prit ensuite le trot et je la laissai s'éloigner un peu avant de partir moi aussi dans la direction de la clairière.

Noche lança un coup de cul joyeux en balançant ses postérieurs vers le côté pour ne pas me toucher. Elle secoua la tête et hennit doucement. Mais le vent m'apporta son message. Et ce message signifiait « Viens jouer avec moi Zahir ». Tout du moins je l'interprétait comme ça. Je me lançai au galop et lui mordit gentiment l'encolure pour l'inviter à me suivre. Je fonçai en avant et lançai un joyeux hennissement.

Il me rejoignit avec gaité, mordillant mon encolure avant de me dépasser. Son galop rapide l'emporta loin devant moins, alors je pris à mon tour un galop plus rapide, plus allongé, mais toujours aussi souple et régulier. Mes sabots frappaient le sol à rythme régulier et fracassant, m'aidant rapidement à rattraper Zahir. À sa hauteur, sans vraiment le vouloir, je lui coula un regard plein d'amusement et de tendresse. Je panacha ma queue et leva fièrement ma tête, mes fines oreilles pointées de l'avant. Charmeuse. Oui, je l'étais. Et oui, je l'appréciais. Je le dépassa alors au moment où nos deux corps arrivaient vers la forêt, à l'autre bout de la clairière. J'y entra comme un flèche, soulevant des feuilles et de la poussière sur mon passage. Je pris un tournant serré pour suivre un tracé parallèle à l'orée de la clairière, sautant sur le chemin un tronc avec facilité, vu la hauteur. Puis je bifurqua de nouveau vers la clairière pour rejoindre le bel étalon à qui je lança un hennissement joyeux.

Elle disparu dans la forêt l'espace d'un instant et je m'arrêtai pour prendre une petite touffe d'herbe. Soudain elle déboula sur le côté et je fis un bond pour l'éviter. Elle poussa un hennissement joyeux en levant la tête, la queue en panache et cette odeur agréable pénétra dans mes naseaux.

C'est alors qu'une sensation étrange m'envahit. Mon corps entier fut projeté en avant et je senti la chaleur envelopper mes muscles. J'ouvris mes yeux et réalisai que je fonçais droit sur elle. Je freinai des quatre sabots juste à temps.

« Pardon... Noche... »

Cette sensation-là je ne l'avais jamais ressentie mais je crois que je savais ce qu'elle signifiait. L'amour ? Non... Impossible...

J'étais là et en instant, il y fut aussi. Il s'arrêta à quelques millimètres de moi, tandis que je m'étais dressée haute et fière, sans broncher alors qu'il failli me percuter. Je ne renonce jamais, ne cède jamais un centimètre.

« Pardon... Noche... »
" Ca va, je n'ai rien... "

Ou presque. Une sensation inconnue m'envahit. Je ne sais pas qui elle est, ce qu'elle représente... Mais je crois que pour la première fois de ma vie, mes chaleurs m'importent. Dans le sens, où elles ont un sens en ce moment même. Je n'arrive pas à m'expliquer correctement, les paroles ne sont pas toujours à la hauteur des gestes, de la vérité, des sensations les plus profondes. Doucement, je tend l'encolure vers Zahir pour frôler ses naseaux des miens, puis son encolure. Je souffle dans ces crins et en attrape quelques uns entre mes dents pour jouer avec.

Ses yeux perçant se plongèrent dans les miens et une chaleur m'envahit aussitôt. Jamais je n'avais ressentis cela auparavant. Cette sensation inconnue n'était pas vraiment désagréable mais elle était très étrange. A vrai dire personne ne m'en avait jamais parlé, même pas Brooke qui m'avait tout appris. Je failli bondir en l'air lorsque elle souffla doucement dans mes naseaux. Une lueur indéchiffrable luisait dans ses yeux. Ce n'était pas de la malice ni de la haine, c'était autre chose... Elle remonte à présent sa tête fine et gracieuse pour frôler mon encolure musclée et luisante de sueur. Mes crins se soulèvent lorsque elle souffle pour jouer et en attrape quelques uns. Cette fois je crois que j'ai compris. Mais je ne peux pas passer à l'acte... pas tout de suite. Je ne la connais que depuis quelques heures et déjà une sensation nouvelle m'envahit peu à peu et un peu plus à chaque geste. Mais je n'y tiens plus... je plante mes yeux dans les siens et...

[Arf sorry j'ai pas d'idée...]

Va-t-il s'avancer, hésiter, réculer ? Pourquoi suis-je ainsi ? Pourquoi mon comportement change-t-il ? Pourquoi je ne suis pas comme d'habitude ? Trop de questions pour aucun réponse... Je ne sais pas ce que je veux, ce que je ressens. Ses yeux plongés dans les miens... Je recule quand il avance & que son corps me frôle parrallèrelement, fait un petit écart tout en gardant ma tête près de son encolure, les naseaux frémissants. Ce n'est pas "non". Loin de là. Je suis indécise pour la première fois de ma vie, je suis indécise sur un choix, sur un ressenti. Je croyais que je connaissais tout ce qui pouvait importer dans la vie. Je me suis trompée. Plantée sur mes 4 fers, ma queue est toujours panachée. Seule ma respiration gonfle mes flancs à chaque respiration et le vent balance mes crins avec douceur...

Est-ce de l'amour qui bouillonne entre nous deux ? Je n'ai jamais aimé avant et c'est un sentiment étrange qui s'élève en moi. Maintenant mes muscles son bandés et mes yeux plantés dans les siens pétillent. Les siens aussi, je le vois. Un frisson me parcourt de part en part. Oui c'est très étrange mais j'aime ça. Pourquoi est-ce que j'ai envie de la contourner ? Pourquoi est-ce que j'ai envie de... non ?! Je ne peux pas la brusquer ! Ce ne sont que des chaleurs... du moins je crois. Et si c'était plus que ça ? Et si c'était autre chose ? Et si un courant passait ?

[color:9dd2=darkred]« Noche... »

Pourquoi ce nom ? Pourquoi maintenant ? Je recule, j'avance, je piétine, je piaffe, j'arque mon encolure et je lève ma queue. Encore et toujours cette odeur. Oui je la sens, elle entre dans mes narines et me donne des pulsions que seul un étalon peut avoir. Mais alors est-ce que c'est juste à cause de la saison ou est-ce qu'il y a vraiment quelque chose entre elle et moi ?

« Noche... »

Pour mon nom venant de lui est différent ? Pourquoi prononcé par lui, il sonne différemment ? Pourquoi un frisson me parcourt à ses mouvements, à ce que je lis dans ses yeux. L'intensité même du moment me fait frissoner. Les mots ne suffiraient pas à décrire ce qui passe entre nous par les gestes, le corps, le regard... Je frôle son encolure de mes naseaux, les enfouit dans ses crins, respire son odeur. Pourquoi m'envoute-elle ? Pourquoi est-ce que j'aime cette odeur ? Pourquoi est-ce j'aime tout en lui ? ... Peut-être parce que je l'aime entièrement, tout simplement ... Non pas avec simplicité. Tout se bouscule dans ma tête, deux voix se battent. Je n'ai jamais aimé, c'est si étrange. Le désir qui me brûle m'envahit de plus en plus cherchant à m'envoyer le message, à me faire bouger.
Je fais un petit écart vers lui. Flanc contre flanc. Je joue délicatemment avec les crins de sa queue, panachant toujours la mienne sous son nez. Doucement je tourne la tête pour jouer de mes lèvres sur son dos. Puis j'avance, passe derrière lui, le contourne, me remet contre lui, dans le même sens cette fois. Sous son regard dans lequel j'aime me plonger. Je passe ma tête sous la sienne avec douceur, baissant mes oreilles et fermant les yeux. Je reste contre lui quelques instants. Puis je fais un pas sur le côté puis un ou deux en avant, m'arrêtant quand sa tête est à hauteur de mon dos, mon regard tourné vers lui. Mes yeux pétillants et maintenant plein de tendresse prouvent le consentement qui est en moi.

Intense. Oui, c'est le mot qui convient à ce moment passé avec elle. Pourquoi est-ce que j'ai prononcé son nom ? Pourquoi est-ce qu'elle a réagit différemment qu'avec un autre étalon ? Pourquoi est-ce que nous nous sommes rencontrés ? Si on y réfléchit bien, c'est grâce à elle. Elle s'est échappée de son pré et est venue jusqu'à moi... peut-être que le Destin l'a guidée... peut-être est-elle venue d'elle même...

Encore elle joue avec mes crins, encore elle caresse mon encolure avec ses naseaux dilatés. Elle lève sa queue en panache juste sous mon nez. L'odeur se fait plus forte et je n'y tiens plus. Elle non plus on dirait, elle tourne et retourne son corps léger avec allégresse, passe ses lèvres sur mon dos, longeant mon échine et provoquant en moi un sentiment de pur bonheur. Elle me contourne et passe sa tête sous la mienne avant de faire un pas de côté, puis deux, puis un en avant, puis un autre, jusqu'à ce que ma tête fine se retrouve à hauteur de sa croupe. Alors elle tourne sa jolie tête vers moi, ses yeux pétillants montre qu'elle le veut, que je peux. Alors je m'exécute...

D'un puissant bond de mes antérieurs, je m'élève à hauteur de la croupe de la belle Noche pour atterir sur son dos avec tout autant de douceur. Après avoir attrapé quelques uns de ses crins, je commence mon travail tout en pensant à ce qu'elle éprouve en ce moment. Moi en tout cas, j'éprouve la joie, la joie de faire ça avec elle et pas avec un autre. Car j'ai beau être un étalon, je n'ai jamais fais de saillie auparavant. C'est ce que l'on pourrait appeler ma "première fois". Maintenant je sais que c'est terminé. Je relâche notre étreinte et vient me placer à côté d'elle. Alors je glisse ma tête près de son oreille et lui murmure :[/color]

« Alors Noche, comment ça s'est passé ? »

En effet, un peu maladroit mais que dire dans ces circonstances ? En fait, j'aurais peut-être mieux fait de me taire mais ce qui est dit est dit et je ne peux pas remonter le temps pour empêcher ces paroles presque obscènes de sortir. Noche...

Je savais. Je savais qu'il le voulait aussi. Je lisais sur son corps, dans ses yeux. Je lisais en lui comme je lis le ciel quand l'orage se prépare. Je ressentais ses frissons, son regard, la chaleur qu'il émanait. Avec puissance & douceur, il s'est installé sur moi pour commencer son travail. Ma queue retournée sur ma croupe, je n'ai pas flanché sous son poids, plantée sur mes 4 fers. Le bonheur & le désir me conssument, je n'ai jamais ressenti ça. Je n'ai jamais été saillie. Jamais laissée faire. Toujours repoussés. Mais lui... Zahir... c'est différent. Oui je sais que c'est lui, que lui seul a et aura ce droit. Il redescent et vient près de moi. Murmure.

« Alors Noche, comment ça s'est passé ? »

Je tourne ma tête vers lui inconsciemment et lit dans son regard. Il a mis en moi le doute, je veux être sûr, même si je ne peux pas revenir en arrière. Je ne peux pas effacer ce qu'il vient de passer, mais... Non, je ne doute plus. Il me suffit de voir son regard brillant.

" Il n'y a pas que le désir qui brûle en moi... "

Une phrase qui veut tout dire. Qui ne dit rien en disant tout. Oui, je t'aime Zahir. Pourquoi ? Comment ? Déjà ? Je ne sais pas, je ne sais pas, mais Oui. Je frôle ses naseaux des miens avec une infinie tendresse.

« Il n'y a pas que le désir qui brûle en moi »

Pourquoi n'ais-je pas compris cette phrase ? Peut-être parce que je ne l'aime pas vraiment... pourtant ce sentiment, quel peut-il être ? En tout cas ce n'est pas de la haine, sinon je n'aurais jamais fais ça. Et ce n'est pas de la forte amitié, au quel cas je ne l'aurais jamais fais non plus. Alors quoi ? Peut-être tout simplement que cette phrase est incompréhensible. Mais je veux savoir.

« Ce que je veux dire c'est : Je ne t'ai pas fais mal ? »

Je suis vraiment maladroit... Pourquoi lui ais-je demandé ça comme ça ? Pourquoi directement ? Peut-être n'a-t-elle tout simplement pas envie d'en parler après tout ! Peut-être que je l'ai brusquée et que, après ça, plus jamais elle ne voudra recommencer... Je n'ai plus le temps de réfléchir à présent qu'elle frôle mes naseaux des siens en soufflant doucement. Car je l'aime et que l'amour rend bête...

« Ce que je veux dire c'est : Je ne t'ai pas fais mal ? »

Décidément, les étalons m'étonneront toujours ! Zahir ou une autre. J'avais reculé subitement la tête, éberluée. Je secoue la tête en soupirant... Je me met au trot et fait un cercle autour de lui, allures relevées et dynamiques. Oui, je vais bien Zahir. Pourquoi t'inquiètes-tu pour cela ? N'as-tu pas ressenti la même chose que moi ? Je m'arrête parralèlement à lui, et pose ma tête sur son dos, fermant les yeux.

" T'a-t-on déjà dit
L'amour rend aveugle ? "

Moi aussi je disais les choses spontanéments en ce moment. Je n'avais cependant pas ouvert les yeux, pas bougée. Au bout de quelques instants je relève la tête pour partir gambader dans la clairière avec cette allure légère et décontractée que j'aime arborer durant mes longues heures de pure liberté. Je trotte ici et là, m'arrêtant à certains endroit pour croquer une touffe d'herbe tendre ou une fleur éclatante. De temps à autre, je jette un regard à Zahir qui semble perdu dans ses pensées...

Elle recule, visiblement très étonnée par ma remarque. Pourtant je le savais que je n'aurais pas dû lui poser cette question. Elle secoue la tête, soupire et se met à trotter en levant haut les membres en faisant des cercles autour de moi. J'essaye de la suivre du regard mais la tête me tourne alors je m'arrête. Elle aussi, elle semble avoir compris. Elle pose sa tête sur mon dos et ferme ses yeux.

“ T'a-t-on déjà dit : L'amour rend aveugle ? ”

Une réponse est déjà toute faite dans ma tête mais elle ne veut pas se formuler et sortir de mon moi intérieur. Alors je la force et elle sort, comme elle vient. Jamais personne ne m'avait parlé de ÇA :

“ Personne n'a jamais parlé de ce que nous venons de faire devant moi Noche. Jamais personne ne m'a parlé de l'amour. C'est pour ça que je te pose cette question, pour savoir si je ne m'y suis pas mal pris. ”

D'un ton qui se veut rassurant, cette phrase est presque murmurée. Je l'accompagne d'un geste tendre. Mon encolure se tend pour que mes naseaux frôlent ceux de Noche. Je souffle doucement un air chaud sur son chanfrein. A vrai dire je n'avais pas trouvé ça désagréable. Mais ce n'était que moi. Elle, je ne savais pas et j'avais peur...

“ Personne n'a jamais parlé de ce que nous venons de faire devant moi Noche. Jamais personne ne m'a parlé de l'amour. C'est pour ça que je te pose cette question, pour savoir si je ne m'y suis pas mal pris. ”

J'avais envi de rire à vrai dire. Je ne comprenais pas son entêtement à vouloir que de telles paroles sortent de ma bouche.

" Cesse de te tourmenter. Tu ne t'y es pas mal pris, je crois. Et même si c'était le cas, ça n'a pas été désagréable. "

J'avais relevée la tête pour lui répondre. Alors je pris le petit trot dans la prairie pour aller grapiller à droite à gauche quelques touffes appétissantes et fleurs colorés au doux goût... Mon regard n'a de cesse que de se reporter sur le bel étalon noir droit non loin de moi. Je lève enfin la tête et lui lance un hennissement mélodieux, empreint d'une tendresse sûre.

Je fus soulagé par les paroles de Noche. A vrai dire je pensai que je devais être un peu embêtant à poser toutes ces questions. Elle avait relevé sa fine tête et ses yeux pétillaient de joie. Pourquoi me tourmentais-je pour un rien ? Elle se mit à trotter dans la prairie, attrapant au passage quelques brins d'herbes égarés. Ici, les grandes tiges dansantes étaient grasses et abondantes. Elles se balançaient au gré du vent, tout comme nos crins. Un hennissement cristallin et chargé de tendresse s'éleva et, porté par la brise, vint voler jusqu'à mes oreilles pointées vers Noche. Je relevai la tête vivement et agitai ma queue pour lui faire comprendre que j'avais entendu. Hésitant, je mis un peu de temps avant de la rejoindre au petit trot. Je passai ma tête dans ses crins, sous son encolure et murmurai :

“On devrait peut-être rentrer tu ne crois pas ?”

“On devrait peut-être rentrer tu ne crois pas ?”
" Peut-être... "

Je pose mon regard sur la cime des arbres et c'est à cet instant que je me rend compte combien le soleil est bas dans le ciel. Celui-ci se colore déjà des lueurs rouges et orangées qui caractérisent le coucher de l'astre. Je pointe les oreilles vers l'arrière puis reporte mes yeux sur Zahir.

" Sûrement même. "

Alors je me mis mis au trot vers le couvert des arbres pour reprendre la route du domaine. Pas que j'ai peur de rester dehors la nuit, mais Mey se ferait du soucis et il est quand même agréable de dormir à l'abri des intempéries et au chaud sur une litière paille. Bien que la liberté m'apporte beaucoup, je ne cesserais jamais d'aimer la compagnie de ma plus chère amie: Mey.

C'est dans ces moments-là qu'on se dit qu'il est bon d'aimer. Je me rends compte que Noche est une jument raisonnable. Après tout ça ne m'aurait pas déplu de passer la nuit à ses côtés ; de dormir avec elle à la belle étoile. Mais Brooke tenait à moi plus qu'à la prunelle de ses yeux et je ne voulais pas qu'elle s'inquiète. Une petite brise vint jouer gentiment dans ma crinière. La maison nous appelait. Je vis Noche partir au petit trot en direction du couvert des arbres, en direction du Haras. Je la suivi du regard pendant un instant avant de relever la tête et de m'élancer au grand trot pour la rejoindre. Le soleil déclinait à l'horizon. Notre amour nous avait aveuglé et nous n'avions pas vu l'heure passer. Mais maintenant, j'étais sûr que je pouvais compter sur elle et elle devait compter sur moi.